POLITIQUE et ENVIRONNEMENT

La biodiversité à l’heure de la COVID-19

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Réflexions et propositions communistes2

Cette note a pour but principal de nourrir la réflexion, avant tout, politique afin de contribuer à la pensée des communistes comme d’autres et d’alimenter leur action militante sur les enjeux des rapports Homme / Nature, à l’heure de la COVID-19 .

Une réflexion délibérément inscrite au cœur des défis de classes de notre époque, de la recherche d’alternatives dépassant l’ordre du monde existant et le système capitaliste qui poursuit son œuvre destructrice par une exploitation forcenée de l’homme et de la nature.

Avant-propos:

Pour les communistes, l’Homme et la Nature ne sont pas séparables. Il n’y a pas d’avenir possible à vouloir les opposer en considérant, par exemple, l’Homme comme un parasite de la planète. Au contraire on peut voir que la biodiversité animale et végétale doit beaucoup au travail des hommes : les grandes forêts françaises, le marais poitevin et les hortillonnages d’Amiens , la Camargue…

Bien entendu il faut inscrire toute activité humaine dans les cycles naturels ; reconnaître le double rôle de l’humain comme producteur et consommateur, lui permettant par l’intermédiaire de son travail, de rendre la société compatible avec le renouvellement des écosystèmes ; analyser concrètement le métabolisme des rapports homme-nature (c’est-à-dire, l’ensemble des échanges de matière et d’énergie entre la société humaine et son milieu naturel) pour déceler et combattre à chaque instant toute contradiction entre eux ; développer les biens communs de l’humanité en organisant efficacement leur partage et leur gestion entre et par tous les humains. C’est un « grand chemin » à emprunter ensemble.

La pandémie de la Covid 19 nous donne l’occasion de préciser nos analyses et nos propositions.

Pourquoi appréhender l’enjeu de la biodiversité à l’aune de cette nouvelle pandémie ?

De très nombreux écologues1 de la biodiversité considèrent fortement que l’origine du virus COVID-19 serait due à une zoonose (maladie transmise à l’homme par un animal)2. Pour l’instant la prudence reste de mise sur l’origine animale du virus. Nous en saurons plus dans quelques mois3.

Cependant, les chercheurs ont mis en évidence que 60 à 75 % des maladies infectieuses émergentes, ces dernières décennies, sont des zoonoses. Comme indiqué dans la note de la commission Écologie, la déforestation, les changements d’affectation des terres, la destruction des écosystèmes, des habitats faunistiques et milieux floraux…favorisent la transmission de virus mutés d’une espèce animale sauvage à une espèce animale domestique puis à l’homme4. La transmission à l’homme sur un marché alimentaire chinois, par contact avec des animaux sauvages dont ceux des trafics illégaux (pangolin par exemple) est également envisageable.

  • COVID-19 et zoonoses au cœur des recherches scientifiques

Selon Etienne-Simon Loriere, chercheur à l’Institut Pasteur « Le SARS-CoV-2 partage une grande partie de son génome avec un coronavirus identifié chez des chauves-souris du Yunnan[…]. D’autres séquences semblent venir d’un autre coronavirus repéré chez le pangolin, un mammifère à écailles qui pourrait avoir joué le rôle d’hôte intermédiaire. ».

L’écologue Philippe Grandcolas considère que nous n’avons pas affaire qu’à un problème médical. « L’émergence de ces maladies infectieuses correspond à notre emprise grandissante sur les milieux naturels. On déforeste, on met en contact des animaux sauvages chassés de leur habitat naturel avec des élevages domestiques dans des écosystèmes déséquilibrés, proches des zones périurbaines. On offre ainsi à des agents infectieux des nouvelles chaînes de transmission et de recompositions possibles. »

Ce virus vient s’ajouter à une liste déjà longue de pandémies dont l’origine animale ne fait guère plus de doute5.

La commission nationale Écologie du PCF a déjà beaucoup travaillé sur les enjeux de la biodiversité et des services écosystémiques notamment lors de la tenue d’une semaine d’initiatives, en octobre 2016 : Biodiversité, enjeu d’humanité – Dénoncer, sensibiliser, agir…

Compte tenu des présomptions sur l’origine de ce « nouveau » virus et de l’ampleur de la pandémie mondiale actuelle, il nous paraît utile de prolonger nos travaux afin de contribuer à dégager des mesures susceptibles d’être prises pour réduire, si possible, les risques de l’émergence d’autres virus pour les mêmes causes, ces prochaines années.

Ce travail devrait contribuer à l’actualisation des engagements écologiques et des propositions des communistes en matière de préservation de la biodiversité, de mieux les intégrer à l’ensemble des propositions de notre parti.

Examinons l’état des connaissances et des travaux produits précédemment par la commission Écologie.

  1. La biodiversité est vivante

La biodiversité, terme composé du mot « bio » (vie), et diversité, est la diversité naturelle ou non, des organismes vivants et des végétaux de la Terre. Elle s’apprécie en considérant la diversité des écosystèmes, des organismes vivants et des gènes dans l’espace et le temps, ainsi que les interactions au sein de ces niveaux d’organisation entre eux qui en fait composent la biosphère.

Pierre-Henri Gouyon, agronome, biologiste et évolutionniste, professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) insiste sur une notion ; la biodiversité n’est pas « statique ». Elle est dynamique. Elle est constituée d’un ensemble de processus héréditaires et écologiques impliquant des interactions entre les différentes formes et aboutissant à l’émergence de formes nouvelles ainsi qu’à l’extinction de certaines lignées. C’est l’ensemble émergences/extinctions, fondé sur les processus d’interactions écologiques, qui constitue la biodiversité.

2. La biodiversité une propriété fondamentale de la vie

La biodiversité est essentielle à l’humanité qui en est complètement dépendante à travers les services écosystémiques (d’approvisionnement : nourriture, combustibles, matériaux ou médicaments de régulation : climat, pollinisation…, socioculturels : bénéfices récréatifs, culturels, esthétiques… et de soutien : action nécessaire à tous les autres services assurant le bon fonctionnement de la biosphère – grands cycles biogéochimiques de l’eau, du carbone…).

Pour autant, la biodiversité ne présente pas que des avantages. En effet, certaines de ses composantes présentent nombre de désavantages pour les Hommes qui doivent s’y adapter et parfois en combattre les effets les plus négatifs.

3. L’érosion de la biodiversité est constatée

Il y aura bientôt une année, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques6(IPBES) au terme de la réunion plénière consacrée au rapport mondial sur la biodiversité et les services écosystémiques, rappelait que la biodiversité subit des atteintes sans précédent, sous l’effet des cinq facteurs de pression directs – changements d’usage des terres, exploitation des ressources, changements climatiques, pollutions, espèces exotiques envahissantes – eux-mêmes sous l’influence des facteurs indirects comme la démographie humaine, les cultures, les modes de production et de consommation, les institutions et les gouvernances, avec des conséquences graves pour la survie de nos sociétés. L’IPBES appelait à sauvegarder la biodiversité en modifiant rapidement nos modes de production et de relations au vivant.

Quatre des experts de l’IPES7 ont récemment déclaré, dans un communiqué, que la crise sanitaire actuelle, qui cause des souffrances humaines incalculables et met à l’arrêt les économies du monde entier, pourrait n’être qu’un début. « On estime que 1,7 million de virus non identifiés du type connu pour infecter les humains sont présents chez les mammifères et les oiseaux aquatiques. N’importe lequel d’entre eux pourrait constituer la prochaine « maladie X » – potentiellement encore plus perturbatrice et mortelle que le Covid-19 », ajoutent les scientifiques.

Les quatre experts demandent en conséquence de réorienter les plans de relance économique vers trois axes. En premier lieu, garantir l’application des réglementations environnementales et lancer uniquement des plans qui incitent à des activités plus respectueuses de la nature. À défaut de quoi on « subventionnera de futures pandémies ». Ensuite, les scientifiques demandent d’adopter une approche « One Health »8. […] Enfin, les quatre experts mondiaux demandent de financer, de manière adéquate, les systèmes de santé et d’inciter à un changement de comportement au plus près des zones de risques de pandémie.

Enfin, le 13 mai dernier, l’IPBES a annoncé organiser un atelier9 portant sur le lien entre les pandémies et la biodiversité. Les résultats de ces travaux donneront lieu à un rapport, qui fera l’objet d’une revue par les pairs en août 2020, puis d’une publication en septembre. Le document sera ensuite intégré aux travaux consacrés à l’évaluation des liens entre la biodiversité, l’eau, l’alimentation et la santé dans le contexte des changements climatiques10.

4. Biodiversité, zoonoses et pandémies

Les virus, les bactéries sont des éléments de la biodiversité. Ils ont toujours existé. Des bactéries sont utiles à l’homme par exemple pour le microbiote intestinal. Il existe des milliers et des milliers de virus, certains inoffensifs pour l’homme ou pour l’animal. Par contre, un virus qui se plaît chez un animal peut muter et devenir dangereux pour l’homme selon certaines conditions d’adaptabilité.

On constate depuis le dernier quart du XXe siècle, une augmentation rapide de l’apparition de zoonoses. Certains travaux mettent en évidence une corrélation positive forte entre ce phénomène et le nombre d’espèces d’oiseaux et de mammifères menacées selon les critères de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN)11.

La chercheuse britannique Kate Jones et son équipe ont identifié 335 maladies infectieuses dont 60 % trouvaient leur origine dans la faune12. On constate, par ailleurs, que le nombre de personnes souffrant de maladies infectieuses n’a cessé de diminuer, alors que le nombre d’épidémies, en revanche, a augmenté depuis 1940, avec un pic au cours des années 1980 avec une très grande majorité issues de zoonoses. D’autres pandémies risquent d’apparaître dans les années à venir.

Selon Philippe Descola13, les épidémies nous accompagnent depuis le début de l’hominisation. […] Un virus est un parasite qui se réplique aux dépens de son hôte, parfois jusqu’à le tuer. […] Ceux qui considèrent que les humains vivent séparément du monde des non-humains ont tendance à oublier que la chaîne de la vie est formée de maillons interdépendants, dont certains ne sont pas vivants et que nous ne pouvons pas nous abstraire du monde à notre guise.

Prévention des pandémies, sauvegarde et développement de la biodiversité semblent donc intimement liés.

Aujourd’hui, c’est le domaine curatif qui est privilégié quand la maladie fait ses ravages. Dès lors on cherche le vaccin capable d’éteindre l’épidémie puis la pandémie…

Certains vont jusqu’à envisager froidement d’éliminer chauve-souris, pangolins, oiseaux porteurs de virus. Solution simpliste à plus d’un titre, car ces animaux participent de l’équilibre global de la biodiversité. Les chauves-souris, par exemple, sont des animaux qui font leur part du boulot pour faciliter notre vie en pollinisant de nombreuses plantes ou comme prédateurs d’insectes.

Christian Lévêque insiste : « Les virus comme les bactéries et les parasites de tout poil qui nous empoisonnent la vie, c’est de la diversité biologique. Les plantes et champignons vénéneux, les serpents et les vecteurs de maladies parasitaires, les parasites des arbres et des cultures, c’est aussi de la diversité biologique ». Et de conclure : « Dans ce contexte, laisser croire que l’on peut vivre en « harmonie » avec une nature uniquement pourvoyeuse de biens et de services est de la pure utopie, ce que tout citoyen sensé peut comprendre ».

5. Les engagements communistes sur la biodiversité

En 2016, nous affirmions dans une note14 de problématique les aspects suivants (extraits) :

…/…

Penser la préservation de la biodiversité c’est poser les termes de la conception que l’on a des rapports homme-nature. Le communisme implique une unité entre l’homme et la nature qui permet de fonder une critique de l’activité destructrice et prédatrice humaine sur son milieu « immédiat » : la terre. Les écosystèmes ne doivent donc pas être privatisés mais constituer un bien commun de l’humanité.

C’est un combat de classe qui est engagé car la nécessité de rapports harmonieux entre les hommes et la nature ne pourront s’établir sans la même harmonie des rapports des hommes entre eux.

Il s’agit de ne pas «oublier» le monde naturel et nos biens communs, mais en même temps de sauvegarder le monde de l’être humain ».

…/…

Tout d’abord des engagements d’ordre général 

Cela reste d’actualité nous semble-t-il. Les communistes devraient s’emparer, plus fortement, des engagements qui suivent pour les faire connaître et les faire vivre dans leur activité militante. Par exemple :

  • Nous considérons la biodiversité comme un bien commun de l’humanité. Dès lors, les citoyen.ne.s, les militant·e·s doivent être des acteurs et actrices déterminant.e.s, informé·e·s et documenté·e·s, des débats et des décisions sur le présent et l’avenir de notre patrimoine commun et donc sa gestion désintéressée et la plus collective possible.
  • Nous dénonçons clairement l’ambition irraisonnée des libéraux qui rêvent d’accorder une valeur marchande à la nature, à la biodiversité et aux services écosystémiques. Car, comme nous le savons, la biodiversité rend, à l’humanité, des services essentiels d’approvisionnement, de régulation climatique et culturels…
  • Nous considérons que toute appropriation et privatisation, individuelle ou collective, qui plus est, au nom des logiques de rentabilité économique et financière, est préjudiciable.
  • Par exemple, en matière d’aménagement du Territoire nous estimons que l’État a abandonné au marché toute la démarche prospective. Il nous faut revenir sur ce choix afin que l’intérêt général prédomine. En effet, les projets de centres commerciaux ou d’espaces touristiques se multiplient dans des lieux qui sous-estiment la richesse de la diversité biologique qui serait alors en partie détruite. Et ce d’autant plus que selon Gabriel Ullman15 : « Depuis une dizaine d’années, le champ de l’évaluation proprement dite, ainsi que celui des consultations, n’ont cessé de se réduire pour les projets privés et publics. Désormais, nous n’avons plus affaire à une régression, mais à une destruction du droit à l’environnement ». Voilà un champ politique à investir au moment où, dans le cadre du plan de relance lié à la période de la pandémie, les aides financières versées par l’État au monde économique s’effectuent sans réelles, voire même sans aucune, contreparties environnementales
  • Nous devrions faire un point sur la mise en vie de la loi pour « la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » votée dans la douleur, en 2016, en lien avec les parlementaires impliqués.
  • De même, nous devrions suivre avec attention les travaux de la COP 15 relative à la Convention sur la biodiversité Biologique (CBD) qui était prévue en octobre 2020 en Chine à Kunming dans la province du Yunnan16. Cependant, plus de 1000 délégués venus de 140 pays se sont réunis, en février 2020, à Rome pour étoffer la feuille de route sur la biodiversité au cœur de cette nouvelle COP Biodiversité. Mais pour l’instant, l’objectif phare de 30 % d’espaces protégés n’est jugé ni assez ambitieux ni suffisant pour garantir un succès. Les négociateurs travaillent plus particulièrement sur la première partie du texte consacrée aux objectifs à atteindre d’ici le milieu du siècle, avec un point d’étape à 2030. Les pourcentages de protection d’au moins 30 % de la planète (terres et mers réunis) d’ici dix ans, et au moins 10 % sous stricte protection, restent donc à négocier. Aujourd’hui, les zones protégées représentent 17 % des surfaces terrestres et 10 % des surfaces maritimes.

D’ores et déjà, 23 anciens ministres des affaires étrangères du monde entier, réunis au sein de « l’Aspen ministers forum », appellent les gouvernements à aller plus loin et à endosser un objectif de protection « d’au moins 30 % des terres et 30 % des océans d’ici à 2030″. « L’humanité est au bord du précipice : elle risque de provoquer une perte irréversible de biodiversité et une crise climatique qui met en péril l’avenir de nos petits-enfants et des générations à venir. Nous devons agir avec audace, et le faire sans attendre » écrivent-ils dans un communiqué.

De plus, alerte Aleksandar Rankovic, chercheur à l’Iddri. « Deux volets supplémentaires demandent notre attention : celui sur les moyens et les modalités de mise en œuvre et celui sur le cadre de transparence et de responsabilité », défend-il. Les précédents objectifs sur la biodiversité, dits d’Aichi, adoptés en 2010, étaient très ambitieux mais ont mené à un échec notamment faute de suivi (et de moyens?- NDLR).

Ces débats nous rappellent un autre contexte de négociations : celui des COP Climat17.

Nous en tirions l’enseignement que sans intervention des peuples pour faire pression sur les États il était peu probable que les avancées soient à la hauteur des enjeux. Nous savons ce qu’il en est aujourd’hui. Les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse sauf durant la période de confinement actuelle comme le souligne la note de la commission Écologie.

  • Au calendrier international est également prévu le Congrès mondial de la nature du 7 au 15 janvier 2021, à Marseille par l’UICN. Cet événement, qui se déroule tous les quatre ans et rassemble 1 400 organisations. Le président de la République a, d’ores et déjà, annoncé que la France organiserait, dans la cité phocéenne, le 11 janvier 2021, un « One Planet Summit », sans doute sur le modèle de celui organisé, à Paris, en 2017.

De ce fait, quelques autres initiatives et propositions à mettre en débat?

Pour avancer de bonne façon, les communistes ont besoin d’élargir le champ de leurs connaissances, de rencontrer et débattre avec les scientifiques, de se « confronter » à leurs savoirs, d’en débattre ensemble et dans la société afin d’adopter les meilleurs postures et initiatives. De multiples sujets peuvent être convoqués. Nous en livrons ici quelques exemples :

  • Si on veut que l’humanité continue à tirer avantage des services écosystémiques qu’elle retire de la biodiversité, et ralentir l’apparition des zoonoses n’est-il pas essentiel de préserver et de respecter la biodiversité, des zones plus ou moins importantes de nature sauvage18? C’est le point de vue du comité scientifique de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité19 (FRB) qui s’appuie sur de nombreux travaux de chercheurs. Soulignons, toutefois, que tous les chercheurs ne sont pas unanimes sur cet aspect20.
  • Nous devrions exiger l’augmentation de la surface d’espaces protégés, en France, en Europe et dans le monde et, dans le même temps, demander la réduction de l’exploitation de la biodiversité hors de ces espaces pour une meilleure préservation des écosystèmes et habitats. Ainsi plus de 100 millions d’hectares de forêt tropicale ont été coupés entre 1980 et 200021. Dans le même temps les incendies catastrophiques (Australie, Ukraine, USA) doivent interpeler tant vis-à-vis de leurs causes que de leurs conséquences
  • Plus précisément sur l’exploitation des ressources naturelle, nous devrions réactiver notre proposition fiscale qui vise à réduire les prélèvements de ces ressources et privilégier l’économie circulaire ou encore les matières recyclées. Les consommations de ressources naturelles sont libres de toutes charges financières, la nature ne coûte rien pour les capitalistes, ce qui autorise et encourage sa dégradation.
  • Il va sans dire que nous devons poursuivre et amplifier notre combat contre le réchauffement climatique. Si ce dernier ne semble pas être à l’origine de l’apparition de virus ses effets désastreux, sur la planète et l’humanité, porte une atteinte profonde à la biodiversité. Nous devrions donc approfondir les travaux des scientifiques relatifs aux impacts des changements climatiques sur la biodiversité en scrutant leurs conséquences sur les écosystèmes, notamment sur les habitats et les changements d’affection des terres…
  • Ici et partout ailleurs, la mise en place de structures de prospective et de planification rénovée, démocratique, décentralisée est indispensable. Il faut revaloriser le long terme et briser ainsi la dictature du court-termisme sous-jacente à la recherche de la maximisation du profit. A toutes les échelles, nous pourrions nous mobiliser pour favoriser le développement de la gestion des terres comme biens communs qui associerait tous les acteurs, celles et ceux qui vivent et font vivre les espaces naturels. Sont en jeu sur cet aspect ceux de l’urbanisation (étalement urbain) et la réalisation d’espaces dédiés au tourisme. Dans cette logique, nous pourrions demander l’élargissement des structures de gestion des réserves et Parcs naturels à de nouveaux acteurs (aujourd’hui les structures de « concertation » sont assez formelles) afin d’atteindre un autre niveau de démocratisation.
  • De même, les enjeux de l’agriculture, donc de la biodiversité cultivée ou élevée et de ses liens avec la souveraineté alimentaire des peuples et à la réduction des inégalités sociales et alimentaires doivent être parmi nos préoccupations fortes. Par voie de conséquence, la qualité alimentaire comme nos modes de consommation de proximité doivent être promus. De ce fait, comment permettre un maintien et un développement d’une agriculture et d’une pèche respectueuses d’un développement durable, permettant aux agriculteurs et pêcheurs de vivre de leur activité si on met pas en cause les accords du type CETA ou Mercosur ? Comment faire également pour que les techniques agricoles n’érodent pas la qualité des terres cultivées et réduisent leur fertilité ? Comment permettre aux populations des pays en développement de travailler la terre pour vivre dignement sans s’attaquer à la déforestation des forêts primaires (soja, huile de palme…) ?
  • Nous devrions contribuer au développement de coopérations internationales (y compris européennes avec le groupe de travail Environnement du PGE) favorisant, dans un respect mutuel des connaissances et des relations, la prise de conscience par les pays et les peuples, les plus concernés, de ces risques. La COP 15 sur la biodiversité est une bonne occasion de réactiver les relations que nous avions initiées à l’occasion de la COP Climat à Paris. Par ailleurs, il est déterminant de soutenir toutes les initiatives pour financer la lutte contre le(s) virus dans les pays les plus vulnérables.
  • A l’échelle de l’Europe, le « pacte vert », dont la mise en vie concrète est contrariée par la pandémie, a été présenté par la présidente Ursula von der Leyen: «Le pacte vert pour l’Europe est notre nouvelle stratégie de croissance, pour une croissance qui donne plus qu’elle ne prend. […] Nous sommes déterminés à réussir dans l’intérêt de notre planète et de la vie qu’elle abrite pour le patrimoine naturel de l’Europe, pour la biodiversité, pour nos forêts et nos océans. En montrant au reste du monde comment être durable et compétitif, nous pouvons convaincre d’autres pays de nous suivre. » Les communistes doivent se plonger dans la réalité des décisions qui seront décidées qui sans nul doute, chercheront à s’inscrire dans la continuité d’une politique libérale cherchant un retour de la confiance des citoyen·ne·s à l’égard de l’Europe et de ses institutions. Être, dans ce contexte, à l’initiative de propositions alternatives et de luttes rassembleuses pour définir ce que doit devenir « l’intérêt de notre planète » est une nécessité.
  • A l’échelle internationale, il serait utile de contribuer aux luttes pour l’application de réglementations, et de leurs modes de contrôle, des trafics et ventes d’animaux sauvages. Le trafic illégal de pangolins par exemple, est au cœur d’un immense trafic par des mafias internationales qui rapportent d’énormes profits22. Il en est de même des cornes d’éléphants comme des rhinocéros dans les parcs naturels d’Afrique. Bien entendu ceci n’excluant pas les mesures de régulation nécessaires au développement des populations animales.
  • Je ne développe pas sur les enjeux pour la planète et l’humanité de nouveaux modes de consommation et de production respectueux de la biodiversité tout en répondant aux besoins humains… Ceci devrait nous inciter à mieux entrecroiser nos actions entre initiative contre le réchauffement climatique et biodiversité (la fonte de calottes glaciaires ou du permafrost pourrait être une bombe à retardement en matière de virologie) comme nous l’avons fait lors d’un colloque du PGE à l’initiative du PC Finlandais. La pétition élaborée à cette occasion reste d’une totale actualité.
  • Enfin, comment ne pas exiger une plus grande attention à tous les faits scientifiques – qui de près ou de loin- peuvent nous renseigner sur nos propres travaux. Aujourd’hui, il faut allier démarche curative (vaccins) et démarche de prévention par la sauvegarde des écosystèmes. La recherche doit donc être pluridisciplinaire et transversale (environnement / écologie – santé, par exemple, en intégrant des recherches des sciences humaines, de l’anthropologie, de la sociologie, des sciences politiques, de l’économie…). Il faut noter que nombre d’écologues de la biodiversité considèrent être les parents pauvres de la recherche scientifique, dépourvus de moyens pour mener à bien leurs études et les valoriser auprès des décideurs comme du grand public. Les politiques d’austérité sont passées par là conditionnant les scientifiques à élaborer une multitude de projets pour financer leurs recherches. Dans cette perspective, nous pourrions reprendre contact avec les scientifiques que nous avions invités lors de la semaine sur la biodiversité à Colonel Fabien (débats publics et auditions) et à élargir notre prospective au monde syndical et institutionnel.

Et ce d’autant plus, que selon une, toute récente note du Conseil général au Développement Durable (CGDD), l’OMS a identifié la nécessité de lancer rapidement (dès juin 2020) des recherches sur les aspects environnementaux de l’origine des virus, y compris les mesures de prise en charge à l’interface homme-animal.

En forme de conclusion : Il s’agit tout au long de cette note de travail d’une réflexion déjà collective23 et de l’expression de propositions non exhaustives qu’il s’agit d’enrichir collectivement avec toutes celles et tous ceux disponibles pour développer ce travail. Car au fond ces réflexions posent la question des choix de développement que nous devrions confirmer ou proposer et comment ceux-ci restent-ils compatibles avec les exigences de développement des autres « locataires » de la planète. Outre l’actualité politique immédiate, cette note doit nous permettre de faire vivre une ambition révolutionnaire : celle de l’écommunisme décidée lors de notre dernier congrès.

1 Écologues : scientifiques de l’écologie.

2 Philippe Grandcolas, écologue, directeur de recherche au CNRS et directeur de laboratoire au Muséum national d’Histoire naturelle, Phillippe Sansonneti, chercheur à l’Institut Pasteur et professeur au Collège de France, Serge Morand, écologue spécialiste des maladies infectieuses, Camille Lebarbenchon, enseignant chercheur à l’Université de la Réunion, Kate Jones, chercheuse britannique et professeure d’écologie et de biodiversité à l’University College de Londres, Jean-François Guégan, spécialiste de la transmission des maladies infectieuses Inrae et IRD, Christian Levêque, écologue, directeur émérite de l’IRD…

3 Sans écarter non plus, l’hypothèse d’une erreur humaine, par exemple d’un chercheur dans un laboratoire P4 à Wuhan province du Hubei (centre de la Chine). Cette hypothèse semble-t-il très peu probable, ressemble plus à une opération de détournement de la faillite de la gestion de la crise sanitaire aux USA par Trump.

4 Serge Morand explique : « L’activité humaine a modifié considérablement ce que l’on appelle l’équilibre dynamique, ou la résilience des écosystèmes ».

5 Lire à ce propos la note 10.

6 IPBES : groupe international d’experts sur la biodiversité, création initiée par Chirac en 2005 sur le modèle du Giec pour le climat. La section française est hébergée au siège de la Fédération Française sur la Biodiversité.

7 Actu-Environnement 28 avril 2020 – Article de Laurent Radisson.

8 En France, le concept « One Health », une seule santé, selon lequel la santé humaine et la santé animale sont interdépendantes et liées à la santé des écosystèmes dans lesquels elles coexistent, est désormais partagé au sein d’une partie de la communauté scientifique. Dès 2011, le Haut conseil de la santé publique a formulé des propositions sur la coordination interministérielle en matière de recherche, prônant une approche globale et interdisciplinaire.

Si la priorité aujourd’hui, en situation de crise, porte bien sur le diagnostic, le traitement et la vaccination, il importe donc de développer la recherche sur l’origine et l’écologie de ces pathogènes et la surveillance des écosystèmes pour limiter et anticiper l’émergence de nouveaux virus et être en mesure d’identifier et de surveiller les zones géographiques où ces infections émergentes s’observent plus fréquemment. Note précédemment citée du CGDD du mois de mai 2020.

9 L’atelier de la plateforme intergouvernementale, qui se tiendra du 27 au 31 juillet, « examinera les preuves relatives à la transmission des maladies infectieuses par les animaux sauvages, ainsi que la relation entre les pandémies et la biodiversité, et en particulier les dynamiques des pandémies et les possibilités d’action liées à la biodiversité et aux services écosystémiques ».

10 Une étude toute récente publiée dans la revue Nature estime qu’au lieu de « décliner graduellement, comme cela était envisagé jusqu’alors, les écosystèmes pourraient s’effondrer de manière brutale si les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter». 

11 Morand et al. 2014 – Union internationale pour la conservation de la nature.

12 Parmi ces pathogènes : le virus Marburg, apparu en Allemagne en 1967 ; le virus Ebola, détecté pour la première fois en 1976 au Zaïre – aujourd’hui République démocratique du Congo (RDC)  ; le virus du Sida, découvert aux Etats-Unis en 1981 ; le virus Hendra, identifié en Australie en 1994 ; le virus SARS, responsable du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2002, en Chine ; le coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV) en Arabie saoudite en 2012… (Kate Jones, professeure d’écologie et de biodiversité, University College de Londres).

13 Philippe Descola est anthropologue, spécialiste des Jivaros Achuar, en Amazonie équatoriale, Professeur au Collège de France, disciple de Claude Levy-Strauss, médaille d’or du CNRS pour l’ensemble de ses travaux. Extraits de l’article : « Nous sommes devenus un virus pour la planète » dans Le Monde du 22 mai 2020.

14 « Les rapports homme-nature au centre du combat de classe pour la préservation de la biodiversité. » PCF 2016

15 Docteur en droit – L’évaluation environnementale des projets ; une peau de chagrin – Actu-Environnement 21 avril 2020.

16 Reportée, semble-t-il, en 2021 sans aucune date arrêtée à ce jour mais organisée, tout de même, en Chine..

17 Relire les déclarations du PCF sur le bilan de la COP 21 dans CommunisteS.

18 En effet, par exemple, les prédateurs contribuent à réguler les populations de rongeurs qui sont souvent des hôtes de virus ou bactéries pathogènes pour l’homme, transmissibles notamment via les tiques et peuvent par conséquent limiter la diffusion de maladies. La préservation des oiseaux charognards permet aussi d’assurer l’élimination des carcasses d’animaux morts et d’éviter ainsi l’émergence de maladies . Protéger la biodiversité sauvage permet aussi un bon fonctionnement des processus de régulation naturelle.

19 Fondation pour la recherche sur la biodiversité. Note de son comité scientifique – Avril 2020

20 Christian Lévêque doute de ce lien direct entre intervention humaine destructrice, zones « sauvages » et émergence par voie de conséquences des virus. Toutefois il indique que : « […] ce sont les situations de forte promiscuité comme on en rencontre en Asie, entre les hommes et les animaux sauvages qui servent de relais avec les animaux sauvages, qui semblent favoriser l’émergence de nouveaux virus ». Christian Lévêque : la destruction de la biodiversité a-t-elle engendré la Coronavirus – European Scientist – 8 avril 2020

21 Rapport sur l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques – IPBES

22 Lire à ce sujet l’enquête : « Sur la piste de la pangolin connection » dans Le Monde  du 21 avril 2020.

23 Remerciements à Luc Foulquier pour ses utiles remarques, à Jean-Claude Cheinet, Jean Barra, Pascal Lachaud, Alain Brunel pour leurs propositions et suggestions de rédaction ou d’ajouts, Roland Charlionnet pour son concours apprécié à la rédaction de l’avant-propos, aux membres des commissions Écologie et Relations Internationales du PCF qui ont bien voulu enrichir cette note…

1 La maladie à coronavirus 2019, abrégée en COVID-19 (acronyme anglais signifiant coronavirus disease 2019), est une maladie infectieuse émergente de type zoonose virale, provoquée par le coronavirus SARS-CoV-2.

2 Ces réflexions s’inscrivent dans la continuité des travaux de la coordination de la commission nationale Écologie du PCF et notamment de la note COVID-19, implications écologiques et systémiques,du mois d’avrilet de la commission des Relations Internationales du PCF.

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